Le plus liégeois des Bruxellois
Ibrahim est un jeune bruxellois de 27 ans, curieux et débordant d’énergie.
Et membre de Blind Challenge.
Non-voyant de naissance, il ne distingue ni les formes ni les couleurs mais perçoit les variations d’intensité lumineuse. Ibrahim fait du sport, participe à des projets artistiques, voyage et travaille dans l’audiodescription. Une petite tendance à l’hyperactivité ? C’est possible. Mais c’est en remplissant bien ses journées qu’il canalise son énergie.
Pour Ibrahim, les clichés concernant les personnes déficientes visuelles ont la vie dure et il encourage les associations et les médias à informer un maximum le citoyen sur l’étendue des choses que les personnes non-voyantes sont capables de faire.
« Je ne compte plus le nombre de fois où dans le métro on me demande si je veux m’asseoir… ou les personnes qui m’encouragent à prendre l’ascenseur plutôt que l’escalier. Une bonne intention, certes, mais ce sont mes yeux qui ne fonctionnent pas….Mes jambes, elles, vont très bien. J’ai rencontré récemment un voisin tout étonné d’entendre que des personnes aveugles travaillent…
Les représentations que les gens se font de la déficience visuelle sont encore très éloignées de la réalité. Cela fait maintenant 7 ou 8 ans que les non-voyants utilisent un Iphone, il est temps que ça se sache ! Aujourd’hui, les technologies et Internet facilitent grandement notre quotidien et nous donnent un accès beaucoup plus complet à l’information. Lorsqu’il y a 32 pizzas sur la carte d’un restaurant, je ne vais pas demander au serveur de me lire les 32 et, par politesse, je choisirai dans les 10 premières qu’il me cite. Par contre, si je peux consulter sa carte sur Internet, je vais pouvoir faire un vrai choix en connaissance de cause sans même le solliciter : tout le monde est gagnant. Pour moi, l’accessibilité, ne doit pas être accessoire. Il est primordial que les développeurs de sites Internet soient attentifs à l’accessibilité et, si l’esthétique est importante, elle ne devrait pas être au détriment de l’accessibilité. C’est pareil dans l’espace public : les feux sonores, les dales podotactiles, les annonces des arrêts dans les transports nous aident grandement. Plus on aura accès à l’information, plus on sera autonome. En faisant mes courses en ligne, je suis au courant comme n’importe qui des promos, des nouveaux produits et cela contribue à mon autonomie et à mon intégration.
Mon but n’est pas d’être comme un voyant, la différence existe, il faut en tenir compte mais, souvent, nos capacités sont encore sous-estimées. Il existe de plus en plus d’émissions, de vidéos, de sites Web qui informent sur la cécité et les médias et les associations doivent continuer ce travail.
Avant de se faire une idée sur ce qu’une personne non-voyante sait faire ou pas, il faut s’informer, poser des questions, nous nous ferons un plaisir de vous donner des explications !
Pour contribuer à ce travail de sensibilisation, je participe à une pièce de théâtre « Clair Obscur » avec Saïd Gharbi, danseur et non-voyant. C’est une expérience unique. Les spectateurs nous regardent évoluer sur scène, danser, faire des acrobaties, monter sur des échelles, etc. Le spectacle permet de détendre l’atmosphère, de montrer qu’il y a moyen de faire plein de choses malgré le handicap. Il donne le temps au spectateur de s’imprégner d’une autre réalité et à la sortie du spectacle, même si il reste encore des questions, les réactions sont tout à fait différentes des réactions que l’on rencontre en rue ou dans le métro. Je n’aime pas l’image du non-voyant aigri et déprimé, il y en a peut-être mais beaucoup d’entre nous sont des personnes épanouies, qui travaillent, qui ont des activités, des projets des amis. C’est cette image là qu’il faut davantage véhiculer. »